La Seconde Guerre Mondiale n’est pas tout à fait terminée, mais la capitulation de l’Allemagne nazie marque déjà une étape importante. La France est en liesse et fête officiellement la libération après ces 5 années d’errance dont une partie à subir l’occupation ennemie. Les plus choqués, les plus touchés par ces années noires, réintègrent brutalement la vie civile avec des séquelles qui ne les quitteront plus.
Michel fêtait le 8 mai avec Marie Brusset, résistante et épouse de Max Brusset, homme politique et membre du RPF, parti du Général de Gaulle post seconde guerre. Marie et son époux furent arrêtés par la Gestapo en 1943. Max Brusset était libéré par les Américains à Lyon fin 1944. Marie Brusset et Michel étaient très proches. C’est elle qui lui apprenait à lire lorsqu’il était encore petit garçon.
Nous avons fêté le 8 mai. La vieille Peugeot à toit ouvrant avait été délivrée de ses cales. Je les revois tous les deux debout sur la voiture, nous cueillant au passage quelques drapeaux tricolores attrapés dans les rues. Michel grimpant sur la façade de l’hôtel de ville jusqu’à des hauteurs dangereuses… Tant et tant de souvenirs…
Témoignage de Marie Brusset – Les Cahiers Bleus, Michel Bernanos, N°46, Hiver 1988-1989
Marie Brusset, qui a toujours fait preuve de la plus grande bienveillance envers Michel, termine son hommage ainsi : « Heureux les épis murs et les blés moissonnés »
Elle l’avait compris
C’est au 1er juin 1945 qu’un congé de convalescence de 2 mois lui est donnée pour asthénie (fatigue chronique), anémie et infection pulmonaire. Symptômes caractéristiques des traumatismes psychiques de guerre et qui ressemble à un très sérieux contre-coup des dernières années passées, la guerre officiellement terminée. En date du 29 septembre 1945, Michel est démobilisé et rejoint ses parents sur la commune d’Entrepierres (Alpes provençales).
Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d’une mort solennelle.
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l’appareil des grandes funérailles.
Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles.
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles.
Car elles sont l’image et le commencement
Et le corps et l’essai de la maison de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts dans cet embrassement,
Dans l’étreinte d’honneur et le terrestre aveu.
Car cet aveu d’honneur est le commencement
Et le premier essai d’un éternel aveu.
Heureux ceux qui sont morts dans cet écrasement,
Dans l’accomplissement de ce terrestre vœu.
Car ce vœu de la terre est le commencement
Et le premier essai d’une fidélité.
Heureux ceux qui sont morts dans ce couronnement
Et cette obéissance et cette humilité.
Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans la première argile et la première terre.
Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre.
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés.
Charles Peguy (1873-1914) – Extrait de Eve