Le Murmure des Dieux – Roman engagé

Michel avait beaucoup à dire sur le Murmure des Dieux. Je n’ai pas trouvé les messages toujours simples à décrypter, mais j’ai fini par réussir à me détacher des dires des deux personnages principaux pour me focaliser sur le fond qui apparait de manière discrète tout au long de la lecture et qui est définitivement annoncé par la fin que Michel a souhaité donner à cette histoire.


Les principaux thèmes dénoncés dans les années 1960 par Michel sont les suivants :

  • Les conséquences directes de l’exploitation intensive sur la forêt amazonienne par le trafic mondial
  • La persécution des peuples Indiens et la tentative d’extermination de leur civilisation au profit des civilisations occidentales
  • L’asservissement des peuples Indiens au profit du commerce mondial

Malgré la passion manifeste du Dr Lopez pour les civilisations anciennes, nos deux personnages principaux d’origine européenne ont tendance à considérer leur propre civilisation comme plus avancée. Cependant, c’est bien elle qui aura raison d’eux, plongeant ainsi le Dr Lopez dans un profond sentiment de culpabilité.

Depuis des siècles, la forêt amazonienne et les populations Indiennes subissent de plein fouet les conséquences révoltantes engendrées par la cupidité des peuples dits « civilisés ». Les principaux sujets évoqués par Michel dans Le Murmure des Dieux sont liés à des marchés qui s’étendent à l’échelle internationale.

  • L’âge d’or du caoutchouc amazonien entre 1880 et 1912 : au delà de la gomme à effacer, la demande de production de caoutchouc explose à partir des années 1850 – les plus gros acheteurs : Goodyear, Dunlop et Michelin
  • Les trafics destructeurs de la forêt amazonienne, notamment celui du bois précieux
  • Le trafic de Tsantsas, les têtes rétrécies dans lesquelles les Shuars enfermaient l’esprit vengeur de son hôte pour éviter toute vendetta – Elles firent l’objet d’un trafic macabre par les populations européennes
  • Une exploitation sans limite des populations et civilisations Indiennes

Michel écrit Le Murmure des Dieux dans les années 60, il n’avait pas accès aux informations que nous possédons en 2023. Jorge Icaza faisait partie de ses lectures, mais il le découvrait une fois le Murmure des Dieux terminé.

Quels écrits nous aurait-il produit avec toutes ces précieuses informations en plus ? Quelque chose d’incroyable, très certainement.

Cette époque vit naitre des mouvements rebelles anticoloniaux. Ce qui est logique après tant d’années de persécutions. Comme partout, certains mouvements étaient pacifistes et d’autres plus violents, engendrant parfois des guerres civiles.

Ce sont les colons qui firent initialement entrer l’alcool et les armes dans les tribus Indiennes pour les asservir afin d’obtenir une main d’œuvre corvéable à merci. Ils gonflaient les prix au maximum et leur octroyaient des prêts impossible à rembourser. Après des années d’esclavage qui prirent fin courant 1910, ils étaient donc tenus par les principaux barons avec des prêts irremboursables et les conséquences liées à l’alcoolisme pour certains.

Enfin, se fournir des armes devient vital pour les Indiens, car les colons chassaient plus vite et de manière intensive, se procurer du gibier dans leur secteur devenait quasi impossible.

C’était la forêt ici, dit le docteur Lopez en hochant la tête, elle s’étendait jusqu’à la mer. Voilà ce qu’en ont fait les hommes.

D’abord attirés dans cette région par l’or et les diamants, lorsque les filons s’épuisèrent, ils se mirent à récolter le caoutchouc, jusqu’au jour où le bois pris plus de valeur que la sève, et ce fut alors le massacre général de la forêt.

Michel Bernanos, Le Murmure des Dieux, extrait