L’Envers de l’Eperon, c’est l’honneur chevaleresque à l’épreuve de la parole donnée. Originairement, Michel dédiait cette œuvre à Caïn. Dans les précédentes éditions, nous retrouvons la mention qu’il y avait spécifiée :
A Caïn,
Michel Bernanos, L’Envers de l’Eperon
Puisqu’il accomplissait
L’Écriture…
Ce personnage biblique n’est évidemment pas choisi au hasard.
Il est dit que Caïn tuait son frère aîné Abel par pure jalousie, après que ce dernier ait offert une offrande préférée par Dieu à la sienne. Cela fait donc de Caïn le premier meurtrier de l’humanité.
Artisan de métier, il fabriquait des instruments pour en faire des lances et des javelots de guerre. Ce qui fait de Caïn, l’origine même de la guerre et de la violence.
Accomplir l’Ecriture, c’est la mettre à exécution conformément au projet qui lui est destiné.
Dans L’Envers de l’Eperon, Nicontina est chargé par un riche propriétaire terrien d’exécuter son propre frère. Ne connaissant pas l’identité de sa victime au départ, toute la question est de savoir si Nicontina va se borner au respect de la parole donnée au détriment de ses propres valeurs, de son honneur. Comment ne pas faire le rapprochement avec la guerre et l’engagement de Michel au cœur des Forces Navales Françaises Libres ?
Comment ne pas faire le rapprochement avec la guerre et ses meurtres foncièrement fratricides entre deux camps composés d’hommes et de femmes que rien opposait en dehors du contexte qui les a menés là ? Il y a donc un lien à faire entre les soldats engagés face à l’ennemi et cette relation à la destinée tragique entre les deux frères, Joaquim et Nicontina. Toute la question est de savoir si Nicontina obtiendra le Salut, celui qui lui permettra de sortir de la situation dans laquelle il s’est retrouvé malgré lui.
L’un ici, l’autre là, les deux hommes se balançaient au rythme de leur monture. Des pensées troubles, haineuses, nées de la solitude, commençaient à leur empoisonner l’esprit. Dans le désert immobile, les pantins minuscules cernés par les sables n’étaient plus frères. Ils ne se sentaient même plus les victimes d’un destin mauvais. Non, la vie de chacun devenait pour l’autre une offense, un défi.
L’Envers de l’Eperon, extrait, Michel Bernanos