L’Envers de l’Eperon – La notion de Salut à l’épreuve de la parole donnée

La notion de salut dans cette œuvre de Michel est très importante. Elle est à rapprocher non seulement de son parcours de vie, du récit lui-même, mais aussi de Cain, à qui il la dédiait.

Par cette course poursuite dans le Minas-Gerais Brésilien entre deux frères issus des quartiers pauvres, et qui n’ont toujours connu que la violence du monde, je ne peux m’empêcher de rapprocher Joaquim et Nicontina de Michel et son frère Yves.

Parce que oui, Michel et Yves, par l’époque dans laquelle ils ont grandi, n’ont connu que la violence du monde : le spectre de la première guerre mondiale tout juste terminée par le père ancien combattant, puis la guerre d’Espagne alors qu’ils vivaient à Palma de Majorque, la  Seconde Guerre Mondiale dans laquelle ils s’engageaient tous les deux et puis les guerres qui s’ensuivirent.


Nicontina, chargé malgré lui d’assassiner son propre frère, est en quête du Salut. Même s’il n’a connu que la violence depuis petit, cette mission ne correspond pas aux valeurs du personnage créé par l’auteur. Cependant, il donné sa parole à son donneur d’ordre et ces mêmes valeurs l’obligent à l’honorer. Nicontina est comme pris au piège.

A mon sens, deux formes de salut sont liées à l’Envers de l’Eperon :

Au sens du Salut militaire, signe de respect et de fraternité échangé entre deux soldats lorsqu’ils se rencontrent
Au sens du Salut de l’âme pour l’homme délivré du péché, lui donnant ainsi accès à la vie éternelle.

Depuis un long moment, Nicontina observait les deux fourmis. L’empreinte de leurs pattes minuscules avait délimité dans le sable doré le cercle de mort où elles s’affrontaient, antennes contre antennes. Nicontina les fixait de son oeil unique. Il attendait le fatal dénouement. Enfin les pinces s’entrelacèrent cruellement et les deux combattantes glissèrent sur le côté. Tuer, mourir ! voilà toute la vie ! songea Nicontina en levant la botte garnie d’éperons pour mettre fin à ce duel. L’acharnement meurtrier des fourmis répondait, écho dérisoire, à la violence du monde qu’il avait toujours connue.

Extrait de l’Envers de l’Eperon, Michel Bernanos