Le monde moderne
nous a tout abîmé
Non par ses guerres
il y en eut de tous temps
Ni par la mode
Qui s’acharne à nous prouver que nos filles sont belles
Mais par le progrès
Les toits de Paris ont ainsi leurs râteaux
antennes de tous genres
sur cheminées muettes
Les ascenseurs sont silencieux
les concierges polies
L’ère moderne s’acharne à tout supprimer
l’agréable
comme le désagréable
ne se rendant pas compte que la gamme est rompue
Monsieur Moderne n’est autre que le surveillant du confort
Il n’est pas musicien
puisqu’en surplus
il a apporté avec lui des machines
qui lancent nos cloches
le dimanche
dans un rythme ordonné
Et pourtant nous aimions bien tous entendre
chaque dimanche
les fausses notes tirées par le carillonneur
qui mélangeait
Vèpres grand’messes et messes basses
et au grand moment de l’élévation
se foutait dedans
Mais l’on sentait la vie au bout de la corde
ces fausses notes vivantes
nous faisaient lever les yeux au ciel
Tandis qu’aujourd’hui très poliment
à l’église
comme ailleurs
l’on s’emmerde
Et je suis persuadé que le bon Dieu aussi
Michel Bernanos