Série Angoisse du Fleuve Noir – Exploration d’une collection – Juillet 2022 : Les Nuits de Rochemaure

Les Nuits de Rochemaure – Michel Talbert (N°100 – 3ème trimestre 1963 – Thriller)

Clotilde, toute jeune mariée, s’installe dans la maison familiale de son époux, le professeur Stanislas Durville. La maison de Rochemaure est isolée, Clotilde ne l’aime pas et son personnel non plus d’ailleurs. Cette maison est froide, sombre et trop mystérieuse à son goût. Son mari, accaparé par ses recherches scientifiques, a peu de temps à lui consacrer, elle s’y sent terriblement seule. Quelqu’un lui veut du mal, elle le sent, elle le sait ! Mais qui ? Et jusqu’où cette chose sera-t-elle capable d’aller ? Son mari ne comprenant pas ses peurs, elle décide de faire appel à son cousin Richard afin qu’il puisse y rester quelques jours à ses côtés, et pourquoi pas, lui apporter son aide pour tenter d’élucider les nombreux mystères qui l’entourent.

Il est superbe à lire. Faut pouvoir le trouver sur le marché de l’occasion, il y en a quelques uns qui circulent quand même 


Michel Talbert n’a publié que trois romans Angoisse, mais ils ont suffi à le classer parmi les tout meilleurs auteurs de la collection.
A lire Les nuits de Rochemaure, on comprend pourquoi : une maison pleine de secrets sur qui semble peser une malédiction diffuse, une suite d’évènements étranges ne relevant pas tous de l’arsenal habituel du roman gothique, suivie d’une série de crimes enchaînés sur un tempo saccadé et au final surprenant qui explique tout. Ajoutez à cela une écriture soignée et stylée, et cela donne une œuvre mémorable qui méritait bien une réédition dans la collection Les maîtres de la littérature policière des éditions du Rocher (1987).

Jacques Baudou

La série Angoisse du Fleuve Noir, Exploration d’une collection – Vol. 1, Philippe Gontier et Laurent Mantese, Ed Artus Films, Juillet 2022

Les Nuits de Rochemaure – Prologue

Couchée en chien de fusil, elle tremble de peur. Et pour atténuer les secousses de son corps, elle sert comme dans un étau ses avant-bras entre ses cuisses moites. Mais sa position de fœtus ne l’empêche nullement d’entendre gémir la marche de l’escalier. Dans une ultime révolte pour cette peur qui la paralyse, elle rejette les couvertures qui lui masquaient le visage, et, tout doucement, détend son corps, tandis que ses yeux remplis d’angoisse se fixent sur la porte qui s’ouvre lentement. Ce n’est d’abord qu’une mince bande dans l’obscurité qui s’élargit au fur et à mesure que l’huis s’entrouvre en gémissant comme une plainte. La jeune femme sent la terreur envahir chaque partie d’elle-même, si bien que, lorsque la porte achève son parcours en heurtant de sa poignée le mur, elle est aussi raide qu’un cadavre. Un rayon de lune filtrant à travers la haute fenêtre aux persiennes ouvertes éclaire, de sa lueur métallique, la ferme poitrine dénudée. Et l’ombre enfin apparaît.

Ce n’est pas la première fois pour la jeune femme que la chose se produit. Mais à chaque apparition, elle croit être ou devenir folle. L’ombre, très lentement, traverse la pièce, s’arrête au pied du lit comme pour contempler le superbe corps à demi nu, reprend sa marche mesurée, et s’immobilise devant la fenêtre. C’est alors que l’effroi chez la jeune femme atteint son paroxysme : l’ombre est bien là, devant la fenêtre et pourtant, au travers, la lune continue de briller. Les membres exaspérés, la jeune femme tente de crier. Mais de sa gorge ne sort qu’une respiration spasmodique. Et comme les autres fois, l’ombre cède sa place aux ténèbres de l’évanouissement.

Michel Bernanos
Les Nuits de Rochemaure