Le carnet de retour de Pierre Bourdan, que je trouvais il y a quelques années dans la bibliothèque de Michel, fut pour moi une véritable prise de conscience sur la réalité de l’après débarquement.

Pierre Bourdan participait à la libération de la France sur l’intégralité de la partie occupée en tant que reporter de guerre auprès de la Division Leclerc. Carnet de Retour est son journal de guerre.
C’est lorsqu’il apprends son décès, que Michel rédigeait un article en hommage à cet homme pour lequel il avait beaucoup d’admiration. L’article fut publié dans L’intransigeant au 7/08/1948, puis dans La jeune république en date du 01/09/1948.
Pierre Bourdan, c’était le journaliste de la France Libre que tous les français écoutaient pendant la guerre à la BBC, il fit notamment de très nombreux actes de résistance, jusqu’à devenir prisonnier de l’ennemi l’espace de quelques temps.
A la lecture de l’hommage de Michel, l’individualisme de la France d’après-guerre, tristement décrit par de nombreux résistants et déportés de l’époque, est aisément perceptible…
Oui, en effet, les enfants d’aujourd’hui que nous sommes ont du mal à comprendre que le décès de ce grand Monsieur n’ait fait l’objet que de quelques lignes dans la presse au lendemain du 13 juillet 1948.
La France lui rendra de beaux hommages à partir de juillet 1949.
[…] Pierre Bourdan (ce nom qui sera dans l’histoire comme celui de Roland), sans uniforme, sans obligation militaire, a fait son devoir, un devoir de français, simple devoir d’homme qui avait la notion de l’honneur. Si Bernanos était vivant, il serait présent auprès de ce cadavre déchiqueté par les mers, mais Bernanos est mort.
En son nom, je tiens à faire acte de présence auprès de ce grand chevalier.
Aujourd’hui, dans la France moderne, le mot « chevalier » parait ridicule. La France a oublié qu’elle eut jadis une histoire. Bourdan, comme Leclerc, l’a fait revivre simplement, sans forfanterie, sans devoir obligatoire, comme civil et comme homme.
La France d’aujourd’hui oublie trop vite l’honneur et le devoir. Ces deux hommes n’étaient pas obligés envers la France ; ces deux hommes n’étaient ni Général, ni Maréchal, mais on su tenir leur place dans l’honneur, dans leur simple honneur d’homme.
Hélas ! nous ne reverrons jamais la magnifique démarche de Leclerc ou l’angélique sourire de Bourdan.
Bourdan, comme Leclerc, est parti comme il est venu, dans le même silence, dans la même indifférence de la part de la foule.
Peuple de France, les pages de l’histoire future que liront tes enfants ne te pardonneront jamais ces pauvres lignes par lesquelles les journaux du soir annoncent solennellement, que le gouvernement français, gentiment, aimablement, fera acte de présence derrière le cercueil de ce héro d’aujourd’hui.
Michel Bernanos
Publications dans L’intransigeant du 07/08/1948 et La Jeune République du 01/09/1948