Pendant la Seconde Guerre Mondiale et même après la Libération, les Marins FNFL ont souffert d’un terrible manque de reconnaissance pour les risques pris. Cependant, sans eux, le résultat final n’aurait pas été le même. Rappelons tout de même que la France Libre s’est construite au départ avec l’arrivée de ces jeunes et qu’ils ont particulièrement concouru à la victoire de la France et des alliés jusqu’à la libération par de très nombreuses missions en mer, y compris les débarquements.
Enfin, on en parle très peu, mais les guerres ont eu lieu non seulement dans les terres et dans les airs, mais aussi en Mer. D’ailleurs, avant que la population française ne soit touchée dans les terres, la Seconde Guerre Mondiale a commencé en Mer.
Les combattants FNFL n’étaient pas traités de la même manière que les FMA1. En effet, les FMA comptaient dans leurs rangs une majorité de marins européens originaires de la Marine Nationale Française alors sous le commandement de Vichy. Tandis que dans les FNFL, et en dehors des hauts gradés, on comptait beaucoup de jeunes marins nouvellement formés à Londres pour se rallier à la résistance.
Vichy était par ailleurs très généreuse en matière de décorations, quand la France Libre était assez peu reconnaissante vis à vis de ses marins. Malheureusement, la situation ne s’arrangera pas après nov. 1942.
Tout en continuant à combattre et à participer aux opérations les plus risquées, les FNFL souffraient d’un manque manifeste de reconnaissance de le part de leurs dirigeants.
Le Vice-amiral d’escadre E.Chaline et le Capitaine de Vaisseau Pierre Santarelli expliquent plus clairement cette situation par leur travail extrêmement précieux à retrouver dans Historique des Forces Navales Françaises Libres – Tome 2, Services Historiques de la Marine :
Pendant la guerre, les marins de la France Libre n’ont pas été récompensés comme ils le méritaient. Jusqu’en août 1943, les archives de la marine font état seulement d’une centaine de citations sur une période de trois ans pourtant riche en faits d’armes. L’injustice était d’autant plus flagrante que : Leurs camarades combattants des forces terrestres et aériennes, de même que les fusiliers marins qui bénéficiaient des errements en pratique dans l’armée de terre, voyaient leur mérite reconnu de façon indiscutable Après la signature de l’armistice, les marins de Vichy avaient été littéralement couverts de titres de guerre pour leurs combats contre les alliés et les Français Libres. Pour ne citer que Dakar, la totalité des équipages de tous les bâtiments présents (y compris la citerne à eau) recevait la croix de guerre. C’est ainsi par millier que des citations étaient attribuées aux marins de Vichy pour les combats de Mers-el-Kébir, Dakar, Gabon, Syrie, Madagascar, Casablanca.
Dans les FNFL, l’usage était :
Historique des Forces Navales Françaises Libres – Tome 2, Services Historiques de la Marine
– De refuser toutes sortes de citation en faveur d’un bâtiment coulé par l’action de l’ennemi, comme si ce déshonneur rendait le personnel indigne de toute récompense ;
– Quand une unité se distinguait, de ne récompenser qu’un petit nombre de participants ; Les faits d’armes, les actes de courage, les actions d’éclat n’étant récompensés qu’exceptionnellement par une citation, parfois par un TOS ou une médaille de sauvetage, voire le plus souvent par rien du tout ;
Les faits d’Armes de la Roselys :
[…] Lorsqu’en mai 1942, au retour de Mourmansk, le convoi qu’elle escorte traverse un champ de mines et que 6 navires sautent, la Roselys va accoster directement les groupes de survivants en rebroussant chemin, malgré le risque à prendre. L’état de la mer ne permet pas d’affaler les embarcations, des filets destinés à grimper le long de la coque ont été installés, mais les survivants à demi asphyxiés, sont incapables de se hisser. Les hommes du Roselys vont ainsi plonger dans l’eau glacée pour les aider à s’en sortir. La Roselys récupèrera 179 hommes sur 5 navires différents.
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Les récompenses qui sont accordées au Roselys par le commandement FNFL basé à Londres, se comptent sur les doigts d’une main.

Après le 3 août 1943, date de la fusion entre les FMA et les FNFL, il n’y a en théorie plus qu’une seule Marine Nationale. Mais la fusion ne se fera jamais vraiment, tout simplement parce que :

- Les FMA et FNFL n’ont pas les mêmes dirigeants (FMA à Alger et FNFL à Londres) – Les règles concernant les permissions, les démobilisations, les affectations, les récompenses, les montées de grade, etc. sont totalement différentes, les marins FMA et FNFL ne sont absolument pas dirigés de la même manière
- Les marins FMA restent en majorité profondément attachés à la propagande Vichyste
- N’oublions pas que FNFL et FMA se sont fait face à de nombreuses reprises lors des opérations précédentes
A partir de ce semblant de fusion, on aurait donc pu penser qu’une seule politique soit menée en matière de décoration, mais il n’en fut absolument rien. A Londres, l’Amiral d’Argenlieu (particulièrement bien décoré pour sa part) maintient ses pratiques de parcimonie :
Les FNFL ont pris le plus grand soin de n’accorder des citations qu’avec circonspection. Je pense que cette tradition doit être maintenue si nous voulons conserver une valeur à nos distinctions.
Coté FMA, toutes les unités reçoivent des citations collectives assorties de citations individuelles pour des faits qui ne relèvent parfois que de la routine. Tout engagement avec l’ennemi, même sans victime ni dégâts, se traduit par une citation. Ainsi, un sous-marin FMA se voit décerner entre décembre 42 et février 44, cinq citations à l’ordre de l’armée. Période pendant laquelle il ne coulait qu’un seul bâtiment.
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Le Rubis, considéré par les Britanniques comme le plus glorieux des sous-marins FNFL, qui combat sans interruption depuis mai 40, en est à sa 28ème patrouille en décembre 44 et a coulé du fait de ses mouillages de mines réussis 8 bâtiments de guerre, 7 cargos, 2 chalutiers, endommagé 2 navires de guerre et 1 cargo. Il ne fut cité que deux fois par ses supérieurs à Londres.

- FNFL : Résistants des Forces Navales Françaises Libres – FMA : Forces Maritimes d’Afrique créées après le débarquement des alliés en Afrique du nord au 8/11/42 – Il s’agit de la Marine Nationale Française anciennement sous le contrôle du régime de Vichy, présente en Afrique du nord et tout particulièrement en Algérie à cette époque occupée par la France [↩]