Il était important de parler des relations difficiles entre ces deux marines. Il est important aussi de se rappeler le rôle que les 400 résistants algériens ont joué lors de l’opération Torch, sans lesquels l’issue n’aurait certainement pas été aussi favorable.
Avec du recul, nous constatons que cette époque de l’histoire est assez particulière. Les Français se battent pour faire sortir l’occupant ennemi de leur pays tout en démarrant par la récupération de leurs colonies alors sous Vichy, sachant qu’ils sont eux mêmes occupants d’autres pays.
Et puis il y a ces frères ennemis, ceux de la marine. Entre l’attaque surprise de Mers-el-Khebir par les Britanniques au cours de laquelle aucun camp français n’a été épargné et cette différence injuste et manifeste de traitement post-1943 entre ceux de la Marine Nationale et les Marins Libres des FNFL, on ne peut pas dire que tout ait été fait pour arranger les choses.
Malgré le fait qu’il ne restait que très peu de FNFL dans la Marine Nationale après 1945 (car gentiment évincés en masse), ces deux marines vont se réconcilier progressivement par les conflits suivants. Ceux-là mêmes qui opposaient, rappelons le, la France aux peuples qu’elle colonisait précédemment. Cette France, se battaient donc ensuite contre ces mêmes soldats qui les avait aidé à se débarrasser de l’occupation allemande.
Il est là le monde à l’envers que Michel dénonce. Il se demande donc où se trouvent la véritable Liberté et le sens de l’honneur au milieu de tous ces gens qui ne cherchent qu’à défendre leurs intérêts. Et moi, je me demande aussi où se trouve le respect pour ceux qui se sont battus avec honneur au nom de cette même Liberté.
Afin de mieux comprendre la situation, il est important de recontextualiser les faits. En effet, au 10 juillet 1940, les pleins pouvoirs sont accordés au Maréchal Pétain.

La Marine Nationale, quant à elle, se voit désormais sous le contrôle de l’Amiral Darlan, Chef de la Marine française et ministre de la Marine du premier gouvernement du régime de Vichy. Il fut ensuite nommé chef du gouvernement vichyste en février 1941 où il s’investit dans la politique de collaboration du Maréchal Pétain avec l’Allemagne Nazie.

L’Amiral Muselier, premier homme à rallier la France Libre, est nommé commandant en chef des FNFL jusque mars 1942. Particulièrement apprécié des marins, son départ déclencha de vives protestations contre Le Général de Gaulle. Lui succéderont à ce poste l’Amiral Georges Thierry d’Argenlieu puis l’Amiral Philippe Aboyneau.
Il y a les marins qui se rallient à de Gaulle en prenant tous les risques pour rejoindre Londres, l’Amiral Muselier en tête. C’est d’ailleurs notamment grâce au travail de l’Amiral Muselier que nous devons les premières victoires qui donnaient ainsi pleine crédibilité aux FNFL vis à vis des alliés, mais aussi la Croix de Lorraine, emblème de la France Libre.
Il y a ceux qui souhaiteraient faire de même, mais qui vivent sous le poids des menaces de leurs supérieurs et ont peur de mettre leur famille en danger. Il faut savoir aussi que celui qui avait le malheur d’afficher le moindre signe de sympathie pour de Gaulle risquait d’être passé à tabac par les partisans du Maréchal Pétain.
Enfin, il y a ceux qui soutiennent Vichy et il y a du monde, d’autant plus après l’attaque de Britanniques à Mers-el-Khébir. Après les difficultés vécues par les populations sur la 1ère guerre et au début de la 2nde, beaucoup voyait aussi Pétain comme la solution pour reprendre une vie normale et plus apaisée. L’histoire nous a montré qu’il n’en fut absolument rien.
Afin de mieux saisir la situation, il est important de rappeler quelques dates :
Mers-el-Kébir
03/06/40 – 06/06/40

Oppose la Royal Navy à la Marine Nationale. C’est l’Opération Catapulte en Algérie.
Elle se déroule 1 semaine avant que le Maréchal Pétain ait les pleins pouvoirs et en dehors de toute implication du Général de Gaulle.
La flotte française était essentiellement basée sur les cotes occupées d’Afrique du Nord. Les Anglais voyant venir la signature de l’armistice, se décident à détruire un grand nombre de navires français pour se protéger des éventuelles futures attaques. A cette époque, la Marine Française était mieux équipée, plus puissante, elle leur faisait considérablement peur.
Cette situation ne va pas aider de Gaulle qui de Londres, tente à ce moment même de rallier le plus grand nombre à la France Libre. Les Marins Libre déjà présents à Londres sont emprisonnés avant d’être libérés une fois la situation revenue au calme.
Vichy ne manquera pas de se servir de cette attaque des Britanniques pour installer un climat de haine durable envers le Général de Gaulle et les Français Libres.
Appel du Général de Gaulle
18/06/1940
Appel du Général de Gaulle qui ne fut pas connu de tous dans un premier temps. Les Français n’écoutaient pas forcément les radios de Londres. Il faudra donc attendre quelques mois pour que l’information passe auprès du plus grand nombre.
Signature de l’Armistice
22/06/1940
La France du Maréchal Pétain capitule. Hitler exige que l’armistice soit signé au même endroit que celui de la 1ère guerre. Il va jusqu’à faire sortir de son musée le wagon dans lequel s’était signé celui de 1918.
De Gaulle et les alliés vont chercher à rallier de leur côté toutes les colonies françaises, alors sous le contrôle de Vichy. De là, les Marins de Darlan et de Gaulle se firent face à de nombreuses reprises.
Citons quelques dates :
Dakar
23/09/40 – 25/09/40
Oppose cette fois-ci les Marins Libres des FNFL et les Britanniques à la Marine de Vichy. C’est l’opération Menace. Trois mois après avoir lancé son appel à la France Libre, de Gaulle se présente à Dakar qui est alors le chef-lieu de l’AOF (Afrique occidentale Française). Il veut ainsi obtenir du gouverneur de la colonie, le ralliement à la France Libre. La Marine de Vichy bombarde les flottes FNFL et anglaises.
Gabon
Novembre 1940
Oppose les Marins Libres FNFL à la Marine de Vichy. Prise de Libreville par les FNFL, chef lieu de l’AEF (Afrique Equatoriale Française). L’AEF se rallie ainsi à la France Libre.
Grande Syrie
8/06/41 au 11/07/41
Opération Exporter. Invasion de la Grande Syrie (aujourd’hui Syrie et Liban) par les FNFL et alliés. La Grande Syrie était alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy et servait de support pour les opérations allemandes. Oppose les FNFL et alliés à la Marine de Vichy.
Madagascar
05/05/1942
Sans prévenir de Gaulle, les britanniques envahissent Madagascar pour que l’Inde (alors l’une de leurs colonies) ne soit pas isolée.
Djibouti
26/12/1942
Oppose les FNFL à la Marine de Vichy. Djibouti se rallie à la France Libre. Djibouti fut la dernière colonie française d’Afrique à rester fidèle au régime de Vichy.
Maroc-Algérie
08/11/1942
Opération Torch. Débarquement des alliés en Afrique du Nord, dont FNFL.
Putsch du 8/11/1942 – 400 résistants algériens se rallient à la France Libre secrètement. Ils neutralisent ainsi durant plusieurs heures les militaires civiles et vichystes. Cela permit aux alliés et aux FNFL de débarquer.
L’Amiral Darlan est capturé, il fut assassiné quelques mois plus tard. Le Général Giraud est nommé par les américains, commandant civil et militaire de l’empire français en Afrique. Mais Giraud, proche de Pétain, ne change pas de ligne politique et continue notamment les déportations en masse. Progressivement, de Gaulle va forcer Giraud à se rallier à lui puis l’effacer à son profit, l’objectif étant de gommer la collaboration avec Vichy et le IIIème Reich.
C’est à partir de cette opération du 8 novembre 1942 que la Marine de Vichy va devoir se rallier progressivement aux FNFL.
La Marine de Vichy est désormais appelée FMA (Forces Maritimes d’Afrique du Nord), son commandement est transféré à Alger. Le commandement des FNFL restera basé à Londres. Les FMA et les FNFL avaient des dirigeants différents. Les Forces Maritimes d’Afrique du nord sont composées majoritairement d’européens.
Après les combats menés, les deux marines ne s’entendaient absolument pas. Ils s’insultaient mutuellement de traitres. Pour les FMA, les FNFL étaient les « sales enfants de de Gaulle » qui s’étaient ralliés aux Britanniques malgré l’attaque de Mers-el-Khebir. Pour les FNFL, les FMA étaient des « collabos » à la botte de l’occupant.
