Les enfants de 39-45 et les J3

Les J3, ce sont les enfants entre 13 et 20 ans, catégorisés ainsi sur les tickets de rationnement pour leur permettre d’obtenir un morceau de pain supplémentaire, quand il en restait.

C’est cette génération de jeunes qui travaillait très souvent dès l’âge de 14 ans et pour laquelle toute distraction était interdite par le régime de Vichy. Ce sont des enfants qui apprennent à contourner les lois pour survivre, notamment par le marché noir, le trafic ou encore le vol de marchandise, afin de pouvoir apporter de quoi se nourrir au foyer.

Leur père est souvent absent, soit prisonnier de guerre en Allemagne, soit réquisitionné là-bas pour le travail obligatoire, le fameux STO. La mère de famille se retrouve seule et gère absolument tout. Ce travail obligatoire pèse également sur la tête de nombreux jeunes hommes qui approchent de la majorité, quand ils ne sont pas réquisitionnés plus tôt sur des missions de travail harassantes et obligatoires organisées par Vichy sur le territoire français.

Par les bombardements allemands et alliés réguliers, ils sont confrontés à la mort, se retrouvent parfois à vivre seuls. En 1950-1960, ces enfants que l’on appelle les J3, ce sont aussi ceux qui sont nés dans la guerre.

Après la guerre, l’Etat constatait une hausse anormale d’affaires de délinquance. Michel consacrait notamment un écrit à la jeune Josette Orfaure qui fut condamnée aux travaux forcés à l’âge de 20 ans, à la suite d’une tentative de braquage qui se soldait par un homicide. Cet écrit fait partie de ceux sur lesquels je travaille actuellement.

Photo M.Jarnoux/Paris Match via Getty Images

Tout comme Michel, les journalistes furent particulièrement touchés par la transformation physique de cette jeune fille après deux ans de travaux forcés, au regard désormais vide, au visage meurtri par des années de souffrance, à sa maigreur manifeste. A cette étape, il lui reste 23 ans de peine à purger.

Ceux qui l’avaient vue en février 1950 aux assises de la Drome, où elle avait été condamnée aux travaux forcés à perpétuité, avaient gardé le souvenir d’une fille aux joues pleines, sachant encore rire, vivante et cynique.
Cet excès de vie nerveuse exaspérait alors, car le crime de Josette Orfaure était de ceux qui n’incitent guère au pardon.
Mais aujourd’hui, devant la cour d’assises du Rhône on la juge de nouveau, – l’arrêt de Valence ayant été cassé pour vice de forme, – Josette Orfaure a tout laissé de ce que l’on appelait alors sa superbe. Ainsi moins de trois ans de prison ont suffi à en faire cette silhouette traquée, aux yeux battus, aux joues creuses, au nez rougeaud, aux prunelles fixes qui n’expriment plus que la crainte. Lorsqu’elle parle c’est pour répondre par monosyllabes aux phrases interrogatives du président Aiglin, chargé de faire revivre les circonstances d’un meurtre qui remonte au 9 avril 1949.

Le Monde – 28 octobre 1952

Les médias créaient une véritable psychose des J3 après guerre, en imputant à cette génération tous les cas de délinquances avérés. Ils arrêteront d’employer le terme J3 au bout d’un moment, car tous ces jeunes n’étaient pas non plus concernés.

Enfin, ce sont ces J3 qui pour beaucoup furent envoyés au front en Indochine ou en Algérie, souvent par le service obligatoire, pour faire une guerre à laquelle la plupart d’entre eux ne souhaitait pas participer.

Des parachutistes français à la bataille de Diên Biên Phu en 1954, Indochine GETTY IMAGES / KEYSTONE

Michel écrivait aussi pour eux. Tout ça c’est dans les poèmes inédits sur lesquels je travaille et que j’espère pouvoir faire connaitre prochainement.

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.